La guerre
En cette année 2017 (centenaire de la première guerre mondiale 1914-1918) où la violence se déchaîne dans tous les pays je tenais à vous présenter un roman sur la guerre dans lequel Andrée Chedid, malgré son écriture sèche et brûlante, laisse poindre une touche d'optimisme comme dans toute son oeuvre.
Guerre Amour
Une dimension universelle
La famille CHEDID
Andrée CHEDID
Poéte et romancière est née en 1920 au Caire et morte en 2011 à Paris.
Ses parents Libanais ont émigré en Égypte à cause des luttes entre les différentes communautés et les problèmes économiques.
Elle apprend l'arabe, le français et l'anglais.
Son oeuvre
A 18 ans elle commence à écrire pour la presse et compose des poèmes.
En 1942 elle va vivre au Liban avec son mari, un médecin français.
En 1943 elle publie son premier recueil poétique en anglais.
En 1946 elle s'installe à Paris, naturalisée Française, elle est alors une des grandes figures de la littérature contemporaine de notre pays. Elle a publié aussi des nouvelles, des pièces de théâtre, des romans, des contes ainsi que des chansons pour M. comme le succès Je dis Aime, dont le refrain est un hymne à la paix.
Andrée CHEDID : poète contre la guerre
Andrée CHEDID est poète avant même d'être romancière. En 2002 elle reçoit la bourse Goncourt de la poésie pour l'ensemble de son oeuvre.
J'ai choisi ce poème, tableau de guerre terrifiant. Cependant les 4 derniers vers font appel à la fraternité et à la responsabilité.
Du même lit
Il a abattu l'enfant
Personne n'a retenu son bras
Personne n'a maîtrisé son arme
Nul bras n'a encerclé sa taille
Nul signe ne l'a retenu
Il a abattu l'enfant
malgré ces yeux blanchis d'effroi
malgré cette bouche trouée de peur
Il a écartelé la femme
il a bourré son sexe de plomb
Il a dénudé la vieille
il a tailladé ses seins
Il a aveuglé le vieillard
il a craché dans sa bouche
Il a fendu de jeunes nuques
Il a tranché des mains
Il a sabré oreilles et jambes
Derrière les tombes
Il a dépecé les corps raidis
Derrière les voitures
Il a traîné des corps remuants
Par ces lambeaux de chair humide
Par ces quartiers de chair aride
Il a outragé sol et soleil
Il a souillé sa propre face
Vous êtes tous du même lit,
Partisans de la haine !
Je ne vous sépare plus.
L'oeil des suppliciés vous fixe à en mourir.
Andrée CHEDID, Cérémonial de la violence, 1976
Andrée CHEDID : Romancière
Parmi tous ses romans je vous présente Le message, histoire de guerre, histoire d'amour, toujours d'actualité.
- Résumé
Marie marche dans une rue déserte d'une ville détruite par la guerre pour rejoindre Steph et lui dire qu'elle l'aime. Mais la balle d'un franc-tireur la touche mortellement. Elle doit absolument transmettre son message à son bien-aimé ...
Une histoire d'amour
Du début à la fin du roman l'amour joue un rôle important pour tous les personnages. Le couple principal est formé par Marie et Steph. "Ils s'aimaient depuis l'enfance ; dans le tumulte et la passion, mais au-delà de toute mesure. "
Un autre couple d'octogénaires incarne aussi l'amour : Anya et Anton. "Embrasse-moi ", dit-elle, lui tendant la joue. Il la serre contre lui, pose un long baiser sur sa joue. Un frisson la parcourt, elle se sent toujours adolescente.
Gorgio, lui aussi, est capable d'aimer : Il répétait "Maman, maman... il ne faut pas... souffrir... pleurer... ton enfant... je suis... t'aime... aime".
Brako, le chauffeur du car aime son pays : "Mon pauvre pays ", disait-il en soupirant. Il l'aimait malgré tout, sa patrie, viscéralement. Pourtant elle lui en faisait voir ! "Je te hais, mais je t'aime ", marmonnait-il, persuadé qu' il ne s'expatriera jamais.
Une histoire de guerre
Dans Le Message, la mort est donnée 2 fois : au début et à la fin du récit. Injustement, elle frappe ceux qui représentent la vie, la jeunesse, le renouveau : Marie est une jeune femme active et amoureuse, sur le point de mener une existence nouvelle avec Steph. Gorgio, le franc-tireur tente de racheter ses actes et de donner un autre sens à sa vie.
Andrée CHEDID souligne la violence de la guerre, dont elle révèle aussi l'ampleur en évoquant les victimes, les pertes humaines.
Une histoire universelle
À travers cette histoire singulière Andrée Chedid parle de l'humanité tout entière et nous inscrits dans son récit. "Dans chaque corps torturé tous les corps gémissent."
Même si le lecteur connaissant la biographie de l'auteur ne peut s'empêcher de penser aux conflits du Liban et de l'ex-Yougoslavie, la guerre évoquée ici n'est pas une guerre particulière mais un symbole qui veut dénoncer toutes les guerres. "Qu'importe le lieu ! Partout l'humanité est en cause, et ce sombre cortège n'a pas de fin."
Bonheur et tragédie
Toute l'oeuvre d'Andrée Chedid offre un "ardent questionnement sur la condition humaine ". Dans un style sobre et simple, elle aborde avec humour et fantaisie la fragilité de l'existence, la mort, l'amour de l'autre. Avec ses mots l'auteure souligne la frontière fragile séparant le bonheur de la tragédie et qui rend incontestable l'égalité des hommes entre eux.
Je laisserai l'auteure elle-même conclure en citant l'extrait d'un entretien accordé à Francine Bordeleau paru dans une revue canadienne intitulée Nuit blanche en mai 1987 :
《Les sujets que je choisis sont en général marqués par la tragédie et par l'espérance. Je veux garder les yeux ouverts sur les souffrances, le malheur, la cruauté du monde ; mais aussi sur la lumière, sur la beauté, sur tout ce qui nous aide à nous dépasser, à mieux vivre, à parier sur l'avenir. 》
Bonne lecture et "pariez sur l'avenir".
DUJANCOURT
Coucou Françoise à bientôt
Séverine
Je viens de lire « le message » et j’ai été très touchée par ce petit livre